RESTAURATION ALBERTAINE : LE PAYS DES POSSIBLES
Entre l’Ouest et l’Est du Canada, on se plaît souvent à dire qu’il y a un monde. Alors, qu’en est-il du domaine de la restauration ? Petit portrait d’un secteur d’activités relativement méconnu ici.
L’Alberta, le paradis des chaînes
Si le concept de chaînes de restauration fonctionne bien à travers le Canada, il y a fort à parier que c’est en Alberta qu’il est le plus populaire. Le propriétaire de l’institution Normand’s (www.normands.com) à Edmonton depuis 27 ans avance même que beaucoup de chaînes démarrent leurs activités en Alberta et y testent la clientèle, avant de se lancer dans la mise en marché de leurs franchises ailleurs. Il est donc naturel de croiser sur les routes de cette province une pléiade de bannières de steak houses, de restaurants de burgers, de sushis, de buffets chinois, ou encore de tacos. La qualité et les prix affichés dans ces établissements sont variables, mais la quantité de clients, elle, est relativement stable malgré les pertes économiques engendrées par la chute du baril de pétrole.
L’éveil gastronomique albertain
Croire qu’en Alberta, il y a essentiellement du steak et des patates au menu est tout à fait réducteur. On oublie effectivement trop souvent qu’avant d’être connue pour ses sables bitumineux, cette province était avant tout agricole et le demeure encore aujourd’hui. Ses vastes plaines – le Nord de l’Alberta équivaut à lui seul l’espace cultivable du Manitoba ! – sont principalement dédiées, au Sud, à l’élevage, et au Centre et au Nord à la culture. « L’huile de canola, le bœuf, le bison, la pomme de terre bleue, le blé ancien, les baies de Saskatoon et le miel ne sont que quelques-uns des ingrédients de notre terroir que nous devons absolument valoriser », explique Fraser Abbott, président de la jeune Association culinaire de l’Alberta (www.albertaculinary. com), qui a pour but de valoriser les produits agricoles albertains et de servir de courroie de transmission entre les fermiers et les restaurateurs. « Il faut comprendre nos fondations culturelles, dont le volet culinaire fait partie. Et constater que la gastronomie albertaine s’est beaucoup développée au cours des dernières années. »
Un avis que partage le chef de l’hôtel Fairmont Macdonald d’Edmonton (www.fairmont.fr/macdonald-edmonton), Serge Jost, qui a évolué auparavant pendant plus de 20 ans dans les établissements de la prestigieuse chaîne au Québec. « Lorsque je suis arrivé ici en 2013, j’ai vu que le milieu de la restauration commençait réellement à bouger, et j’ai eu envie de faire partie de ce mouvement. Il y a de plus en plus de besoins ici. Le brassage ethnique favorisé par l’immigration amène des changements, des besoins. On ne veut pas automatiquement d’une cuisine dite gastronomique, mais on souhaite qu’elle soit plus raffinée, réalisée avec des produits locaux et de qualité. »
Une impression entérinée par l’émergence d’initiatives intéressantes, comme l’apparition de food trucks, de concours comme la Poutine Week et Made With Love, de l’organisme A Seat at our Table www.facebook.com/aseatatourtable/timeline (devenu une série télé sur CTV), ou encore de l’événement Cook it Raw (www.cookitraw.org/events/alberta), qui rassemble chaque année des chefs étoilés et locaux à un endroit du monde, dont l’Alberta en 2015. Mentionnons aussi le splendide Festival Uncorked (www.tourismcanmore.com), établi depuis trois ans dans la petite ville de Canmore, au pied des Rocheuses, qui propose une programmation unique mêlant gastronomie, chalets et joyeux mélange des genres dans une atmosphère bon enfant.
L’ancienne et la nouvelle garde
Il y a encore 10 ans, lorsqu’on voulait en Alberta changer l’ordinaire, on se rendait souvent à des établissements comme la surprenante et surannée Boheme (www.laboheme.ca), où l’on sert de la cuisine classique française depuis 1978, ainsi qu’au Normand’s, spécialisé dans la préparation des gibiers.
Toutefois, comme le prouve le tout dernier classement des 100 meilleures tables au Canada enRoute (www.canadas 100best.com/canadas-100-best-restaurants-2016- regional), la cuisine albertaine a beaucoup évolué. Mu par une nouvelle génération de chefs inspirés et connectés au reste du monde, le secteur de la restauration s’est considérablement transformé pour devenir le terrain de jeu de nouveaux concepts qui attirent une clientèle constituée de curieux, de foodies et de gens branchés. À Calgary, il suffit de se rendre au Pigeonhole www.pigeonholeyyc.ca (classé au 16e rang) pour découvrir une cuisine ludique et un brin désinvolte, axée sur le produit, les légumes et la fusion des genres. Constat identique au Charcut www.charcut.com (classé au 59e rang), où le savoir-faire protéiné de la co-chef de l’endroit, Connie DeSousa, se marie très bien avec le souci du détail, la traçabilité et l’éthique des produits utilisés.
De belles découvertes qui se reflètent jusqu’en dehors des grands centres urbains, comme le prouve par exemple le tout nouveau Chartier (www.dinechartier.com), établi dans la petite municipalité bilingue de Beaumont, en périphérie d’Edmonton. Né de l’initiative d’un des financements participatifs les plus populaires au Canada, ce charmant bistro à connotation québécoise propose une cuisine travaillée, valorisant à la fois les produits du terroir albertain et la réinterprétation réussie des classiques de la Belle Province. Il serait également dommage de ne pas mentionner le PD3 (www.blakecanmore.com), un concept éclaté de resto-bus à Canmore qui sert des tacos créatifs à emporter depuis la vitre de son rez-de-chaussée et accueille en saison chaque jour 17 personnes à l’étage (avec vue imprenable sur les Rocheuses) avec une formule hyper créative de cinq services gastronomiques aux influences bigarrées, au gré des voyages et de l’imagination débridée de son jeune chef Blake.
Autant d’initiatives signifiantes prouvent que la restauration albertaine est en pleine effervescence et que nous devrions pourquoi pas assister, au cours des prochaines années, à l’émergence d’une identité culinaire bien excitante. À suivre de près !